Le Totem de La Borne invite plusieurs céramistes du Pays de Dieulefit. Un voyage autour de différentes pratiques et technique. Des oeuvres sculpturales aux productions utilitaires.
MIREILLE MOSER
Les œuvres de Mireille Moser se déploient en volumes et en puissance. On est frappé par la force et la rigueur du propos. Œuvre d’architecte qui réaliserait un projet sans faire de plans, Mireille ne fait pas de dessin préalable, ni d’esquisse. Les volumes et les surfaces traitées concourent à la fois à une rigueur géométrique ainsi qu’à une poésie décalée par l’introduction d’arrondis, de retrait ou de brisure d’une ligne, provoquant une rupture du « logique » et donc de l’attendu. L’assemblage de plusieurs masses, l’inclinaison apparemment aléatoire d’une ou de plusieurs faces d’un cube, l’imbrication de plusieurs d’entre eux évoque l’appareillage des murs d’une civilisation perdue. Mireille Moser organise le chaos primordial par l’éclatement ou non des plans successifs.
« Mes céramiques sont bien autre chose que ces secrètes manipulations…que cette tentative d’équilibre dans le chaos…une balade où l’on marche boiteux parfois, cassé, cagneux, tanguant, roulé d’un bord à l’autre de soi-même, insatisfait toujours, tendu vers cette aventure sans cesse recommencée, la vraie, celle qui n’est pas ailleurs. »
JEANNE BRUN
Après des études aux Beaux Art de Rennes, un CAP tournage à Aubagne et une formation professionnelle à la Maison de la céramique de Dieulefit, Jeanne installe son atelier dans la Drome. Elle y travaille des pièces utilitaires et sculpturales de différents volumes. Elle utilise différents grès (dont un grès de Limoges qui a 1250 degrés devient noir) et façonne ses pièces à la main avec la technique des colombins, de l’estampage de panier, du pincé ou au tour. Son travail s’articule autour de trois notions : la liberté du geste, la sobriété et l’usuel.
SONIA DELEANI
Sonia Deleani essaie d’interroger, d’amenuiser la frontière entre objet usuel et objet sculptural en proposant des formes simplifiées, des compositions « familiales » comme autant de petits rituels quotidiens à revisiter, à s’approprier. Un bol vient se percher sur un socle vase ou un amas de brindilles, il en devient plus symbolique, plus abstrait, néanmoins reste fonctionnel.
JULIA GILLES
Les formes, les matières et les couleurs se confondent pour révéler des paysages imaginaires. Ils sont issus d’une interprétation singulière de notre monde. Les matières appellent au toucher, elles sont inspirées de l’altération des éléments à travers le temps. Le mélange des couleurs douces et vives est saisi dans la beauté des paysages dont la lumière et le temps modifient les nuances. Les grandes formes rondes aux allures organiques évoquent des contenants de vie. Elles s’élancent, en mouvement, comme naissantes et jouant avec équilibre. Leur peau minérale aux reliefs sauvages contraste avec la douceur des volumes. Elles sont une métaphores des fragilités et des forces du monde vivant. Les paysages deviennent circulaires et se renouvellent toujours.
VALENTINE HENRY
Ayant toujours porté un regard attentif, curieux et créatif sur l’objet qu’il soit utilitaire, décoratif et artistique, le parcours de Valentine Henry l’a tout d’abord mené vers le Design. L’attraction de la céramique s’est dessinée par la suite, lui donnant la motivation et l’énergie d’amorcer un nouveau cycle de formation et d’apprentissage qui se poursuit à Dieulefit en 2019. Au sein de son atelier elle aborde un travail de sculpture au colombin et tourne la céramique pour sa production d’utilitaire. Sa démarche liée au geste, se traduit par des formes aux dimensions variables, aux lignes épurées, associée à un travail graphique emprunté à des techniques d’impressions et de dessin, tout an jouant avec la matière brute de l’argile. C’est avec spontanéité et mouvement que les lignes se propagent et recouvrent l’espace de la pièce par effet de superposition et de répétition.
JACINTHE LECLERC
Jacinthe Leclerc aime la fonctionnalité et les choses qui ont un usage propre. Elle créait des objets prêt à recevoir; du thé, du café, des fruits, de l’attention, de l’amour. Autant d’objet que l’on touche ou que l’on caresse. Une relation intime se tisse entre l’objet et celui qui l’utilise. Jacinthe réalise des objets qui se doivent de servir et d’accompagner les moments de vie. L’esprit d’une noblesse au quotidien. C’est la projection de cette relation à l’objet qui constitue sa source de création.
MARIE-NOELLE LEPPENS
Épurées et essentielles, les œuvres de Marie-Noëlle Leppens puisent aux sources de l’archétype. Qu’elle s’inspire du bouclier, de l’outil ou de l’architecture, la céramiste recherche la forme première, celle qui est gravée dans la mémoire collective et reconnue par tous comme le prototype à l’origine des différentes déclinaisons stylistiques. Pour réussir à extraire ces silhouettes primordiales, elle parcourt les textes afin d’y déceler la signification, la symbolique de chacun de ces objets dont elle va s’approprier. Dans ses dernières réalisations, on reconnaît la maison, austère et dépouillée. Libérées de tout détail anecdotique, ces formes gardent cet essentiel qui les rend reconnaissables en tant qu’architectures. Mais leur apparence et leur taille, les rapproche à l’élément primaire du bâti, la briqueAvec élégance, elle joue avec nos sens, notre imaginaire, avec notre mémoire aussi, par son refus de complaisance dans l’esthétique de l’épure et en distillant, dans ses sculptures de grès, des interférences subtiles qui griffent la surface et éraillent les lignes, comme dans les images fragiles du souvenir. Extrait Nicole Kunz – historienne de l’art